mercredi 6 juillet 2011

Critique 245 : THE AMAZING SPIDER-MAN - SPIDEY SUNDAY SPECTACULAR ! de Stan Lee et Marcos Martin

Spidey Sunday Spectacular est une histoire en douze double-pages, écrite par Stan Lee et illustrée par Marcos Martin, publiée en back-up des épisodes 634 à 645 la série régulière The Amazing Spider-Man, et publiée par Marvel Comics en 2011.
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Depuis la double saga One More Day-Brand New Day, co-écrite par J. Michael Straczynski (qui en a renié la fin) et Joe Quesada (qui en a signé les dessins), publiée en 2007, la série régulière The Amazing Spider-Man paraît aux Etats-Unis à raison de trois épisodes par mois (la quatrième semaine étant consacré à un épisode alternatif).
Ce changement de périodicité a bouleversé le contenu du titre : pour sauver sa tante May, Peter Parker a conclu un marché avec Méphisto - son mariage avec Mary-Jane Watson a été annulé, certains pans de son passé effacés (comme, notamment, son démasquage durant Civil War). Editorialement, la série a été pilotée par Steve Wacker, l'homme qui avait structuré le feuilleton hebdomadaire de DC, Infinite Crisis : 52, qui a mis sur pied une rotation de scénaristes et de dessinateurs afin de pouvoir produire trois épisodes inédits par mois, avec des arcs plus courts, et un retour aux fondamentaux du héros (en tout cas, selon les critères de Quesada).
Aujourd'hui, cette période est terminée aux Etats-Unis, où le seul Dan Slott écrit la série, secondé par plusieurs artistes, et en France, la revue "Spider-Man" publie actuellement l'avant-dernier arc de l'ére Brand New Day (Grim hunt-Chasse à mort, avant One moment in time, à nouveau écrit par Quesada et co-dessiné par Quesada et Paolo Rivera).
Spidey Sundays a été édité en back-up durant douze épisodes, à raison de douze double-pages, sans rapport avec la série régulière, et a fait l'évènement en raison de son équipe créative puisqu'elle marquait le retour de Stan Lee en compagnie de Marcos Martin.
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L'histoire est farfelue à souhait : deux malfrats, Cortex (un savant mégalomane) et Taureau (une brute épaisse plus bête que méchante), utilisent une machine construite par le premier, le nano vortex algorythmique digital, pour quitter notre dimension et se réfugier dans celle des comics où ils veulent pièger Spider-Man.
Le Tisseur ne repère pas tout de suite ses poursuivants, occupé par une virée mouvementée dans New York, au cours de laquelle il rend visite aux Quatre Fantastiques, évite une attaque du Bouffon Vert, et affronte successivement Doc Octopus et Hulk.
Puis, alternativement sous l'aspect de Peter Parker et de Spidey, le héros confond Cortex et Taureau en faisant croire au premier qu'il lui livre une machine à voyager dans le temps (en fait un assemblage hétéroclite d'un mixeur, d'un four à micro-ondes et d'un magnétoscope) grâce à laquelle il assouvira ses rêves de grandeur...
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Stan Lee a créé Spider-Man en 1962 avec Steve Ditko et en a fait l'archétype du héros "marvelien", le fameux "héros à problèmes" antithétique des icones de chez DC Comics comme Superman, où la vie privée du personnage a autant d'importance que son activité de justicier. De tous les super-héros qu'il a inventés (Avengers, X-Men, FF, Daredevil, Iron Man, Thor...), Spider-Man reste une sorte d'épure dans la production de Lee, sans doute son héros le plus populaire et le plus personnel, celui dans le moule duquel Marvel a façonné ses propres icones.
Aujourd'hui, Lee est un vénérable papy, une espèce d'ambassadeur de Marvel, qu'on voit souvent jouer des caméos dans les films adaptés des comics de la Maison des Idées, animer d'improbables shows de télé-réalité, et lancer des concepts chez d'autres éditeurs (comme Boom !, où il a initié trois nouveaux personnages récemment). Ce vétéran traîne aussi une réputation discutée car des journalistes, experts et lecteurs estiment qu'il n'a souvent que légèrement contribué à la création des super-héros des années 60, laissant ses dessinateurs accomplir le plus gros du travail (en particulier en ce qui concerne Jack Kirby).
Pourquoi cette controverse ? A cause de la méthode d'écriture mise en pratique par Lee lui-même, la célèbre "Marvel way", qui consiste à rédiger un synopsis dont l'artiste tirait un découpage complet avant que Lee n'y ajoute les dialogues et autres textes.
Quoi qu'il en soit, on ne peut nier à Stan Lee une imagination prodigieuse, qu'il s'agisse de définir des personnages (même s'il est vrai que parfois sa vision n'était pas identique à celle de son dessinateur) ou d'élaborer des concepts (comme les mutants, qu'il a imposés à Martin Goodman, le boss de Marvel dans les 60's, ou des équipes comme les Fantastic Four et les Avengers, conçus pour rivaliser avec la JLA). Ce fut aussi un dialoguiste jubilatoire, volontiers bavard mais avec un sens de l'humour et de la caractérisation indéniable.
De temps à autre, Stan Lee, au gré d'hommages que lui rendent les cadres exécutifs actuels de Marvel, propose des défis aux autres auteurs (comme "l'opération 'Nuff said", où pendant un mois toutes les séries eurent un épisode muet) et reprend la plume (avec la série Stan Lee meets... dans laquelle l'auteur se met en scène avec ses créatures, illustrée par d'excellents dessinateurs).
Spidey Sundays possédait une forme idèale pour que Stan Lee s'amuse et nous amuse en même temps, et il s'en est donné à coeur joie en orchestrant une aventure délirante, très drôle, pleine d'action, et traversée de piques à l'adresse des scénaristes modernes ("Mais qui êtes-vous, les gars ?", demande Spidey à Cortex et Taureau. - "Pas le temps de t'expliquer, ça ralentit l'histoire.", répond Cortex) ou aux éditors de la série du Tisseur (découvrant Mary-Jane Watson chez Peter Parker, Taureau, ébahi, demande qui elle est. Spidey répond : "elle est soit ma copine, ma femme ou mon ex-femme, ça dépend... Dans quel numéro sommes-nous ?"). C'est jubilatoire.
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Stan Lee a déclaré en découvrant les premières planches de Marcos Martin sur la série régulière qu'il était "né pour dessiner Spider-Man" : ç'aurait pu être une simple politesse, mais visiblement Stan The Man apprécie vraiment l'artiste espagnol, qui est l'héritier de Steve Ditko avec la maîtrise de l'art séquentiel d'un Will Eisner.
Spidey Sundays compte douze double-pages qui confirme le génie du dessinateur de Dr Strange : The Oath, chacune d'entre elles étant un ahurissant morceau de bravoure jouant à la fois sur la disposition, la taille et la forme des cases, le sens de lecture, le lettrage, la composition. C'est un vrai feu d'artifices, digne de ce que peuvent produire au sommet de leur forme des virtuoses comme David Mazzucchelli, JH Williams III ou même Winsor McCay. Pas de doute, la "Marvel way" a permis à Marcos Martin de s'éclater et de signer des planches d'une précision et d'une inventivité comme on n'en voit qu'exceptionnellement dans un comic-book mainstream. Si l'histoire est totalement loufoque, sa mise en images est époustouflante.
Lorsqu'on sait que Martin va dessiner, en alternance avec Paolo Rivera, la prochaine série Daredevil, écrite par Mark Waid, on peut s'attendre à un résultat extatique.
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Ceux qui veulent profiter de cette merveille sans se procurer les single issues d'Amazing Spider-Man peuvent se rattraper en achetant le n°69 du magazine "Comic Box", qui a eu l'heureuse idée de publier ces 24 pages de haute voltige. Ne vous en privez pas !

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