9 : MOTHERLAND (#49-53 ; 2006-2007)
- Motherland (#49-52) : A Shenzhen, en Chine, l'état de santé d'Alison Mann se détériore encore davantage et oblige le groupe formé par Yorick, Rose Copen et l'agent 355 à conduire la biochimiste à l'hôpital, mais Toyota s'interpose. Yorick et Alison sont séparés de 355 et Rose, lesquelles sont sous la garde de Toyota, déterminée à les éliminer et convaincue que le père d'Alison va lui donner l'immortalité en la clonant. Le père d'Alison, justement, est donc toujours en vie et a orchestré l'elèvement de sa femme, sa fille et Yorick. Ses travaux sur le clonage ont abouti mais il a aussi tout fait pour faire échouer ceux d'Alison et semble être à l'origine de l'épidémie qui a exterminé tous les hommes (lui-même a survécu de la même manière que Yorick, grâce à un singe dont il s'est servi comme cobaye). Mais ses recherches ont achevé de le rendre fou et il est désormais persuadé que l'humanité peut se passer des hommes : il veut donc supprimer Yorick avant de se suicider. De leur côté, l'agent 355 et Toyota s'affrontent dans un duel à mort. A l'issue de cette péripétié, le destin du groupe est bouleversé : Rose reste en Chine avec Alison qui va poursuivre ses expériences tandis que l'agent 355 va escorter Yorick jusqu'à Paris pour y retrouver sa fiancée Beth Deville. Mais l'ange gardien du héros aura entretemps avoué à la biochimiste la vérité sur ses sentiments envers son protégé...
- The Obituarist (#53) : Plusieurs mois auparavant, à Arlington, en Virginie, la fossoyeuse Waverly (rencontrée dans l'épisode 2 de la série, cf. Unmanned) fait la connaissance d'une prostituée travestie en garçon, Bobbi, lorsque la Maison-Blanche fait appel à elle pour enterrer Jennifer Brown, la mère de Yorick et Hero, assassinée par Alter Tse'elon.
- Tragicomic (#54) : La troupe Fish and Bicycle tourne à Los Angeles, en Californie, un film d'action entièrement féminin, mais des tensions au sein de la distribution ont raison de cette entreprise. La réalisatrice-scénariste Cayce Sheldon et sa partenaire Henrietta Spencer, après s'être faites voler leur matériel, décident alors de produire une nouvelle histoire, à la fois divertissante et philosophique, dans un média moins coûteux et aussi accessible : les comics !
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Ce pénultième volume confirme à la fois le redressement de la série, après le livre 8, et d'une certaine manière, sa première conclusion puisque le scénario de l'histoire principale, Motherland (#49-52), va "résoudre" le mystère de l'épidèmie. Brian K. Vaughan réunit les protagonistes dans une confrontation attendue de longue date, riche en révèlations et en intensité dramatique. On assiste au duel entre l'agent 355 et la ninja Toyota, qui dévoile du même coup l'identité de son commanditaire. Le scénariste offre un rebondissement percutant en expliquant qui est vraiment le mystérieux docteur M., le père d'Alison, et ses motivations. Le laïus scientifique avancé par le Dr Matsumori relève à la fois d'une résolution rationnelle et d'un probable délire car s'il détaille ses expériences sur le clonage avec sa maîtresse et assistante, le Dr Ming, dont la finalité aurait causé la catastrophe, il est également évident que le savant croit que le sort des hommes est dû à une espèce de fatalité. Il est la proie d'une crise mystique qui le convainc de mettre fin aux jours de Yorick avant de se suicider parce que cela entrerait dans une logique supérieure, établirait un équilibre cosmique.
Cela signifie-t-il que Vaughan impose cette conclusion comme la seule et unique ? Les propos de l'auteur en interview sont plus équivoques puisqu'il a affirmé que ce n'était qu'une explication parmi d'autres et que lui-même n'avait pas d'idée définitive à ce sujet. D'autres indices, dans les précédents tomes, sont aussi perturbants : on repense à l'Amulette d'Hélène qu'avait récupérée l'agent 355 (si elle quittait sa terre d'origine, la Jordanie, une malédiction sans précédent s'abattrait sur les hommes) ; à la bague de fiançailles supposèment magique que Yorick destine à Beth Deville ; à la théorie du complot gouvernemental imaginée par les membres féminins des Fils de l'Arizona...
"L'hypothèse du Dr Matsumori" est la plus vraisemblable, la plus solide, mais Vaughan a brouillé les pistes et finalement, on peut choisir d'y croire comme d'en croire une autre (y compris une que l'auteur n'aurait pas formulée ou simplement suggérée - comme un bouleversement dans le Temps des Rêves ayant impacté la réalité, comme le croyaient les aborigènes rencontrées par Beth Deville). Quoi qu'il en soit, cette partie de l'intrigue est "réglée" avec cet avant-dernier tome et cela a pour conséquence directe l'éclatement du quatuor : Alison et Rose restent ensemble en Chine pour poursuivre les recherches sur le clonage, Yorick part pour la France avec l'agent 355. Cette dernière admet, dans la confidence, devant Alison, qu'elle est bel et bien amoureuse de Yorick, mais se refuse à le lui avouer car elle pense que ses sentiments ne sont pas réciproques et qu'elle ne veut pas briser le couple qu'il va reformer avec Beth. Reste à voir comment Vaughan débrouillera cette situation dans le prochain volume...
Les deux autres histoires, chacune racontée en un épisode, sont en comparaison moins fortes, évidemment, même si elles ne manquent pas d'intérêt : Vaughan remet dans la lumière un personnage apparue au tout début de la saga (la fossoyeuse Waverly) puis écrit un chapitre méta-textuel avec les mésaventures des deux cinéastes et la narration de la catastrophe, un exercice qui fait immanquablement penser au récit de pirates faisant écho aux évènements relatés dans Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons.
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Ce tome marque le vrai retour aux affaires de Pia Guerra, qui illustre avec brio l'arc principal : après avoir quasiment cédé la place à Goran Sudzuka (qui lui signe les deux autres épisodes et tire sa révèrence), elle retrouve les personnages qu'elle a co-créés comme si elle n'était jamais partie. On ne saluera jamais assez la contribution de l'encreur José Marzan Jr qui a permis à la série de garder son identité visuelle lorsque l'illustratrice principale s'est absentée.
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Plus que cinq épisodes avant le dénouement : c'est l'heure de vérité pour la série - ses auteurs sauront-ils la conclure aussi puissamment qu'ils l'ont développée ?
10 : WHYS AND WHEREFORES (#55-60 ; 2008)
- Whys and Wherefores (#55–60) : Yorick et l'agent 355 gagnent Paris à bord du Trans-Sibérien, tandis que dans la capitale française se trouvent déjà Hero Brown, Natalya, Ciba et son fils Vladimir, Beth et sa fille... Mais également Alter Tse'elon et un commando armé, et bien sûr Beth Deville, qui montre aux passants une photo d'elle avec Yorick pour savoir si quelqu'un l'a vu en ville. Yorick et 355 se réfugient dans les catacombes jusqu'à ce que l'agent sème le jeune homme juste avant qu'il ne retrouve sa fiancée. Ils font l'amour puis font le point sur leur relation en évoquant l'avenir : c'est alors que Beth révèle que, lors de leur dernière conversation téléphonique, au moment où l'épidémie a frappé l'humanité, elle était sur le point de rompre avec lui !
Cette confession dévaste Yorick, une dispute éclate et il claque la porte. Cependant, l'agent 355 acquiert une belle robe contre son arme de service et s'installe dans un hôtel chic, sans se douter qu'une espionne d'Alter l'a repérée. Elle est rejointe par Yorick qui lui explique avoir rompu avec Beth. Au même moment, l'autre Beth, sa fille Beth Jr., et Hero débarquent chez Beth Deville. C'est alors qu'Alter et ses soldats surgissent. Dehors, à l'abri des regards, Natalya et Ciba, avec son fils Vladimir, assistent à la scène. Yorick explique à 355 qu'en vérité la seule raison pour laquelle il a pu surmonter tout ce qui lui est arrivé depuis cinq ans est qu'il est tombé amoureux d'elle - c'est ce qui lui a permis de surmonter le "précédé d'enfer" auquel l'avait soumis l'agent 711. Alors que l'agent 355 lui glisse à l'oreille son vrai nom, elle est abattue depuis le toit d'en face par Alter.
Hero et les trois Beth (l'hôtesse de l'air, sa fille, et Deville) sont sauvées par Ciba Weber et Natalya. Yorick affronte Alter, qui prétend que c'est le Cercle de Culper qui est responsable de l'épidémie : l'organisation aurait créé un agent chimique pour empêcher les femmes de donner naissance à des hommes en Chine, pays considéré comme ennemi. Mais Yorick refuse de croire à cette thèse, après avoir découvert les expériences du père d'Alison Mann, et suggère plutôt qu'Alter a tout fait pour mourir en soldat contre un homme, le dernier sur terre, lui-même. Il refuse de la tuer et la livre à ses troupes qui quittent Paris. Hero et les autres filles retrouvent peu après, dans la soirée, Yorick, inconsolable après la mort de l'agent 355.
- Alas (#60) : 60 ans après, le 17ème clone de Yorick, âgé de 22 ans (comme le héros au début de ses aventures), est reçu au palais de l'Elysée par Beth Jr, la fille de l'hôtesse de l'air. C'est là qu'est gardé le Yorick original, coincé dans une camisole de force et reclus dans une pièce avec des copies d'Ampersand. Le vrai Yorick a en effet tenté de mettre fin à ses jours (même s'il le nie) et tout en discutant avec son jeune double, il se remémore ses dernières rencontres avec sa soeur Hero dans le désert du Kalahari où elle vivait avec Beth Deville, avec Rose Copen juste après le décés d'Alison Mann, avec Ampersand à l'agonie devant l'arbre au pied duquel fut enterrée 355, et d'une discussion avec elle sur l'éventualité d'une vie après la mort. Profitant d'un instant de distraction de son clone, Yorick s'échappe de sa "prison".
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Lorsqu'on découvre la conclusion d'une telle saga, aussi riche et haletante, aussi profonde et passionnante, on tourne chaque page avec un mélange d'excitation, de fébrilité et d'inquiètude, en se demandant si les auteurs vont être, justement, à la hauteur du défi qui se présente à eux. A n'en pas douter, Brian K. Vaughan a réussi avec Y The Last Man une série hors norme, l'oeuvre maîtresse de sa carrière - puisqu'il a depuis cessé d'écrire des comics (il travaillerait actuellement à la production d'une série télé, sans qu'on sache si ce projet aboutira et, si oui, quand). Et il réussit haut la main à conclure son histoire avec une efficacité et une force émotionnelle qui marqueront les lecteurs les plus blasés : la manière dont il boucle son intrigue, jusqu'à projeter le récit dans le futur pour dévoiler l'avenir de son héros et de l'humanité, est éblouissante et réserve son lot de scènes bouleversantes, cruelles, poignantes. Le sort de l'agent 355 vous serrera la gorge, mais la "vraie" fin avec Yorick dans le 60ème épisode est d'une poésie, d'une malice, magnifiques, soulignant à quel point l'écriture de Vaughan est virtuose, comme si, après nous avoir (comme à son héros) brisé le coeur, il ne voulait pas nous laisser partir sur une note trop sombre.
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Pia Guerra illustre tout les épisodes de cet ultime album et livre un travail de grande qualité, comme si, après avoir partagé la série avec Goran Sudzuka, elle s'était réservée pour ce final. Elle restitue parfaitement les émotions de ces chapitres, centrés sur les personnages dans un chassé-croisé angoissant et romantique. La sobriété de son découpage et la subtilité de son trait empêchent l'histoire de sombrer dans la facilité et servent à merveille ce qu'a conçu Vaughan : une leçon. José Marzan Jr et les couleurs du studio Zylonol, dans des teintes chaudes et froides parfaitement alternées et dosées, ajoutent à la réussite visuelle de ce dénouement qui, à l'instar de tout ce qui a précédé, est exempt de toute faute de goût.
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Y The Last Man est une grande série, une grande bande dessinée : comme toute oeuvre de cette qualité, où texte et image se marient si harmonieusement, on n'en ressort pas indemne, mais à la fois intimidé par l'intelligence de la réalisation et rassuré sur la santé du média. Il n'y a qu'un voeu à émettre : que Brian K. Vaughan revienne vite aux comics et que Pia Guerra l'imite. Ils nous manquent et ils manquent à la bande dessinée.
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