mardi 11 janvier 2011

Critique 201 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 2 - IL Y A UN SORCIER A CHAMPIGNAC, de Franquin



Une Grande Aventure de Spirou et Fantasio : Il y a un sorcier à Champignac est le 2ème album de la série, écrit et dessiné par Franquin (d'après une idée de Jean Darc), publié en 1951.
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Spirou et Fantasio partent camper près du village de Champignac-en-cambrousse. Rapidement, ils assistent à des évènements étranges : les cochons deviennent multicolores, les vaches produisent du lait en quantité mais imbuvables...
Un bohémien, qui s'est installé avec femme et enfant dans les environs, est désigné comme responsable et la population (avec le maire en tête) le persécute. Mais pour nos deux héros, le suspect est plutôt le comte, un vieil excentrique passionné de mycologie résidant dans un château avec un grand parc, où il mène de mystérieuses expériences.
Fantasio est enlevé par le comte qui en fait son cobaye mais tient à rassurer Spirou qu'il oeuvre pour le bien futur de l'humanité et compte dédommager les champignaciens. Il commence, pour prouver sa bonne foi, par faire libérer le bohémien et Fantasio a l'occasion de tester un des produits du savant, le X1, qui le dôte d'une force surhumaine.
Par la suite, le comte se rend en ville et, en se dopant avec le X1, participe et remporte des épreuves sportives (un 100 m, un combat de boxe), qui lui valent une petite fortune. Malheureusement Hercule, un petit truand, complice des bandits Valentino et Narcisse, surprend une discussion entre le comte et Spirou et Fantasio dans un jardin public, et dérobe la trousse du comte.
Le malfrat ruse pour que Valentino et Narcisse s'injectent du X2, qui les fait vieillir prématurèment, en leur faisant croire qu'il s'agit du X1, dont il fait usage pour dévaliser des banques. Mais bientôt, les effets du produit cessent et il est arrêté par Spirou, qui l'a suivi après que la police ait, en vain, tenté de l'arrêter après une attaque de banque.
Le comte soigne Valentino et Narcisse avec un antidote au X2... Mais l'effet est si puissant qu'ils transforment les deux gangsters en garçonnets !

Comme l'indique le titre, il s'agit de la première "grande aventure" de Spirou et Fantasio, un galop d'essai pour Franquin, après le recueil de "short stories" du tome 1 (4 Aventures de Spirou et Fantasio) et avant le tome 3 (Les Chapeaux Noirs).

L'idée du récit lui est donné par Jean Darc, qui est le pseudonyme d'Henri Gillain, le frère de Joseph "Jijé" Gillain, son mentor, fondateur de "l'école de Marcinelle", auquel Franquin appartient avec d'autres artistes comme Morris, Tillieux, Peyo. Darc était institeur et son histoire a été profondèment retravaillée par Franquin, qui n'en a conservé que deux éléments, le sorcier (le comte) et le village (Champignac).

La "patte" de Franquin est déjà sensible même si elle n'est pas encore aboutie : le déroulement de l'intrigue est linéaire et procède d'un enchaînement de situations plus que d'une trame sophistiquée. Il avouera avoir beaucoup improvisé, et cette méthode restera la sienne tant qu'il ne sera pas assisté au scénario. Ainsi Spirou et Fantasio font une découverte (les phénomènes sur les bêtes de Champignac) qu'ils cherchent à comprendre et qu'un personnage périphérique (le bohémien) va leur permettre de résoudre (le château du comte, les expériences de ce dernier), puis le récit bifurque vers un second acte en se déplaçant en ville (le comte et les épreuves sportives, l'argent qu'il gagne ainsi) où des méchants en profitent sans connaître les limites et dangers de ce qu'ils font (Hercule, Valentino et Narcisse).

Il manque encore le grain de folie, voire le délire, qui dynamiteront les épisodes ultérieurs, avec le soutien de personnages plus épicés (Spip, puis le Marsupilami, Seccotine, sans compter les adversaires "en prise directe" avec les héros comme Zantafio, Zorglub, Zabaglione, John Héléna...). Franquin est encore sage, timoré, et soucieux de développer sur un format long des personnages dont il a hérités (à la fois de Rob-Vell, mais surtout de Jijé son maître et ami). Mais ça ne l'empêche pas de peupler l'univers du groom en créant Champignac, le comte, le maire, quelques habitants (comme Duplumier) qui vont devenir des piliers de la série pendant et après son run.

Si tout cela est donc encore prudent, c'est déjà une lecture très agrèable et fluide. Franquin l'illustre en recourant abondamment à un découpage en gaufrier, auquel il ne fait un sort qu'au bout d'une trentaine de pages.

Mais, à raison de quatre bandes et 8 vignettes par planche, il imprime un rythme soutenu à l'histoire en tirant efficacement parti de cette mise en images minimaliste : ses cases sont très bien composées, très claires. Le trait est encore influencé par Jijé et les personnages (en particulier Fantasio, le comte, le maire) n'ont pas encore une forme arrêtée alors que Spirou n'évoluera pas autant (il deviendra à peine plus svelte, sa houpette plus longue...) et Spip est déjà bien défini.
Les décors sont naïfs mais représentés avec un souci déjà évident d'être identifiables rapidement et sans qu'ils parasitent la lecture de l'action principale (une obsession de Franquin pour lequel le plan ne devait pas être encombré - et une leçon à méditer pour bien des artistes obsédés par les détails !).
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Pas seulement un classique, mais la pierre de voute d'un édifice amené à se construire pendant 17 autres tomes !

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