dimanche 21 novembre 2010

Critique 181 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 11 - LE GORILLE A BONNE MINE, de Franquin


Deux Aventures de Spirou et Fantasio : Le Gorille a bonne mine est le onzième album de la série, écrit et dessiné par Franquin, publié en 1959. Il contient deux histoires, Le Gorille... (42 pages) et Vacances sans histoires (18 pages).
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- Le Gorille a bonne mine : Spirou et Fantasio partent en Afrique pour y réaliser un reportage-photo sur les gorilles du mont Kilimakali. Une fois sur place, ils rencontrent d'abord deux ingénieurs d'une mine, Lebon et Leblond, qui leur affirment qu'il n'y a plus de singes dans la région où, par ailleurs, plusieurs disparitions d'indigènes ont été signalées.
Mais ces propos sur la présence des gorilles sont ensuite démentis par l'administrateur Badman et l'expédition part comme prévu. Elle va être perturbée par plusieurs incidents provoqués par les ingénieurs et qui ont raison de la motivation de Badman mais pas de Spirou et Fantasio continuent seuls.
Ils rencontrent alors les Wagundus sur le pied de guerre mais calmés par l'arrivée opportune du Dr Zwart, porté disparu.
Enfin, ils approchent les gorilles dont ils font des photographies sensationnelles. Mais, grâce à une piste flairée par le Marsupilami, Spirou et Fantasio découvrent ensuite que Zwart exploite avec Lebon et Leblond une mine d'or clandestine avec des indigènes comme esclaves. Nos deux héros libèrent les malheureux mais laissent les brigands se déchirer pour se partager leur trésor...

Originellement publié dans Le journal de Spirou sous le titre Le gorille a mauvaise mine, ce récit plus court que la moyenne, fait partie des classiques de la série et montre André Franquin au sommet de son art de scénariste et de dessinateur.

Datant de 1959, cette histoire préfigure l'intérêt pour les gorilles de Diane Fossey en 1963 : cette journaliste du National Geographic a connu la gloire avec son livre, puis avec un film où elle était interprétée par Sigourney Weaver, intitulé justement Gorilles dans la brume et qui lui permit de créer une fondation pour protéger l'espèce.

Dans cette aventure, Spirou et Fantasio partent en reportage comme des journalistes free-lance, et non pour le compte du journal "Le Moustique" ou du "Journal de Spirou" : cette situation sera reprise dans l'album suivant, Le Nid des Marsupilamis, et sa conférence vidéo sur l'étonnant animal.

Le Marsupilami vole régulièrement la vedette aux deux héros en permettant à Franquin de quitter les rails bien droits de son scénario pour des scènes merveilleuses de drôlerie où éclate son génie de la mise en scène. Qu'il flanque une rouste à un lion ou la frousse à l'ingénieur Leblond en lui tirant dessus accidentellement avec le fusil volé à Spirou, les exploits du Marsupilami fournissent des planches où la science du rythme, la fluidité du découpage, l'inventivité dee la composition de Franquin restent des modèles du genre. Songez que cet album a 51 ans et vous comprendrez le modernisme de cet artiste chez qui, mieux que tout autre, la suggestion du mouvement, l'art séquentiel (thérorisé par Will Eisner) sont exploités au maximum.

Sous son air de conteur sympathique, Franquin a tout au long de sa carrière dévoilé un engagement fort sur quelques thèmes, dont l'écologie est le plus important : ce sera manifeste avec Gaston Lagaffe, mais déjà dans ses Spirou et notamment dans Le Gorille..., cette préoccupation est présente. L'exploitation des richesses naturelles de l'Afrique, la menace de la disparition des grands singes, sont là pour en attester. Il dénonce aussi l'esclavagisme des indigènes, l'avidité des occidentaux. En contrepoint, il souligne l'hospitalité des africains, la beauté farouche des Wagundus, et son dessin est grisé par le décor de la savane dont il restitue à la fois l'ambiance hostile et ludique (là encore avec les escapades burlesques du Marsupilami).

Franquin s'est, c'est évident, documenté précisèment pour cette aventure : la carte du Congo encore belge est visible dans la 2 CV des héros, et ensuite le site de leur expédition est précisé (à 100 km au nord du Mont Karisimbi, dans la région du Kivu). La population locale s'exprime en Swahili, dialecte effectivement utilisé là-bas.

Le trait de Franquin n'a peut-être jamais été aussi beau qu'à cette époque : issu de l'école de Marcinelle, il est désormais bien défini et personnel. C'est un dessin rond, tout en souplesse, en délié, d'une élégance fabuleuse, qui perdurera jusque dans les débuts de Gaston Lagaffe (avant de devenir plus nerveux et encore plus vif).

Si vous voulez prendre un cours en abrégé de flux de lecture, savoir comment, sans recourir à des cadrages foutraques, composer une image, enchaîner des vignettes servant l'action de manière limpide et énergique, alors (re)lisez Franquin à cette époque : on n'a pas fait mieux depuis !
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- Vacances sans histoires : Fantasio veut profiter d'un congé tranquille, loin de tout souci professionnel et de tout ennemi potentiel. Il convainc Spirou, Spip et le Marsupilami de l'accompagner pour une ballade en Turbotraction... Mais c'est sans compter sur le roi du pétrole Ibn-Mah-Zoud, le pire conducteur du monde, daltonien et inconscient. S'arrêtant au Casino, il est laissé en plan par son chauffeur t confond sa propre Turbotraction avec celle de Fantasio, garée tout près. Il n'ira pas loin, mais assez pour effrayer tous ceux qu'il croise et désintégrer le véhicule lors d'une sortie de route dont il réchappe miraculeusement.
Ignorant comment cela s'est passé, Fantasio transforme une De Dion-Bouton 1918 en y incorporant des gadgets saugrenus puis persuade Spirou de l'essayer. De retour chez eux, les deux héros reçoivent la visite de leur ami Roulebille et Ibn-Mah-Zoud qui avoue tout et leur offre comme dédommagement le dernier modèle des automobiles Turbot, la Turbotraction II. L'émir repart avec la voiture rafistolée par Fantasio qui présente l'avantage de ne pas dépasser les 40 km à l'heure.

Cette histoire complète le volume et, bien que d'un intérêt relatif, a quand même le mérite de confirmer les qualités du récit précédent.

Sur une trame minimale, Franquin s'amuse et nous amuse en donnant libre cours à sa passion pour les automobiles et leurs équipements. Comme il le démontra avec Modeste et Pompon, il était féru de nouvelles technologies et de design - pour mieux en montrer les aspects délirants dans Gaston Lagaffe. La manière dont Fantasion "customise" avant l'heure sa De Dion-Bouton est le prétexte pour Franquin de plaisanter sur le caractère malicieux de Fantasio, pondéré par celui plus prudent mais volontaire de Spirou.

En parallèle, Ibn-Mah-Zoud éclipse les deux héros dès qu'il s'empare de la Turbotraction pour entraîner le lecteur dans une folle virée, où, là encore, la maestria de Franquin pour la mise en images est sidérante de dynamisme.

C'est également l'occasion de présenter pour la première fois Gaston Lagaffe (au début et à la fin de l'histoire), de re-faire parler le Marsupilami, et de placer la nouvelle Turbotraction (aux airs de DS futuriste).

Qu'ajouter ?

Houba-houba !

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