vendredi 22 janvier 2010

Critique 124 : IMMORTAL IRON FIST 3 - THE BOOK OF THE IRON FIST, d'Ed Brubaker, Matt Fraction, David Aja et Travel Foreman

Ce troisième recueil marque la fin du run de l'équipe créative à l'origine de la relance du titre, après les deux réussites que furent The Last Iron Fist Story et The Seven Capital Cities Of Heaven. Mais, autant le dire tout de suite, c'est un triste dénouement, une grosse déception. Il suffit de jeter un regard sur le programme de cet album pour pressentir sa curiosité : on y trouve à la fois les épisodes 7 puis 15 et 16 de la série régulière, un long récit alternatif, et enfin deux chapitres exhumés des années 70 !
Ce bric-à-brac ne ressemble pas à grand'chose de digne d'un troisième volume, et le pire y côtoie d'excellentes choses, mais ces dernières sont en nombre insuffisant pour combler le fan des tomes précédents. C'est regrettable. Mais c'était aussi finalement prévisible : les départs d'Ed Brubaker et de David Aja ont scellé le sort de cette production, et d'ailleurs leurs successeurs n'ont pu empêcher l'annulation de la série. Détaillons cependant le sommaire.
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Les épisodes 7 (le dernier auquel ait collaboré Brubaker) et 15 sont consacrés à la mythologie des Iron Fist à travers le destin de deux d'entre eux : La reine des pirates de Pinghai Bay, Wu Ao-Shi, l'unique femme de cette lignée, et l'éminent stratège Bei Bang-Wen, un temps prisonnier des colons anglais et qui rencontra un combattant indien à la puissance similaire.

Ces deux histoires ne présentent guère d'intérêt : narrativement, elles souffrent de gros problèmes de rythme et d'inventivité (surtout celle de Wu Ao-Shi). La connection des champions de l'Iron Fist avec d'autres super-lutteurs étrangers comme Vivatma Visvajit aurait pu aboutir à un résultat passionnant, comme dans le précédent tpb avec les challengers des Cités Célestes, mais cela n'est pas bien exploité. Cet aspect inachevé est le symbole de tout ce recueil où des idées intéressantes sont lancées mais mal ou pas développées.
Graphiquement, la première histoire est du grand n'importe quoi, une addition sans harmonie de dessinateurs aux styles qui plus est assez médiocres : Travel Foreman, Leandro Fernandez, Khari Evans, pas un ne convainc.
Le récit suivant n'est pas meilleur même s'il a l'avantage de n'avoir qu'un pilote aux commandes, mais Khari Evans n'a vraiment rien pour enthousiasmer. Dans les deux cas, surtout dans le chapitre avec Bei Bang-Wen, la colorisation est hideuse, soit fade, soit surchargée.
Bref, ça commence mal.
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Le 16ème épisode justifierait à lui seul l'achat - mais d'un fascicule, pas du recueil.
Matt Fraction conclut son passage sur le titre (sans Brubaker) en revenant sur la situation de Danny Rand, après le tournoi des Cités Célestes et son affrontement contre l'Hydra. Comme l'a résumé le scénariste, il s'agit de montrer le héros passant d'un statut à la Bill Gates à celui d'un Bono (le leader de U2), soit un milliardaire devenant philanthrope. Cette évolution est représenté de manière concrète, écartant du coup l'aspect super-héroïque du titre :

Danny rachète l'agence d'enquêtes privées de Luke Cage (bien qu'il soit devenu hors-la-loi comme Vengeur), vient en aide aux SDF, fait le point avec Misty Knight...
On suit aussi ses recherches en compagnies des autres champions du tournoi pour localiser la huitième Cité Céleste, et surtout sa prise de conscience sur un fait important concernant la lignée des Iron Fist et l'âge de leur mort...

Ecrit sobrement, ce volet donne un bon aperçu de ce dont est capable Matt Fraction lorsqu'il fait des efforts - bref, tout le contraire de celui qui anime Iron Man. En quelques brêves scènes, il touche juste.
Mais la véritable attraction reste David Aja qui de la couverture à l'intégralité des planches de cet épisode nous offre une sortie magistrale. Les dernières pages, où Danny comprend l'espèce de malédiction des Iron Fist en une succession d'une trentaine de vignettes illustrant sa déduction, sont magnifiques et rappellent le principe employé par David Mazzucchelli dans Cité de Verre lorsque Peter Stillman racontait son passé.
Espérons qu'on reverra vite cet artiste de haut niveau qui aura été LA révélation de la série.
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En dehors de cela, cet ouvrage présente donc deux curiosités, de valeur très inégal.

La première s'intitule Orson Randall and The Green Mist of Death et raconte donc les rencontres successives, sur plusieurs époques, entre le prédécesseur de Danny Rand et John Amman, le Prince des Orphelins, le plus âgé, puissant et vénéré des champions des Cités Célestes.
D'abord aux trousses de Randall pour le tuer, il va devenir son ami et cela expliquera son alliance avec Danny Rand lors du tournoi.

Le récit est étrange, parfois drôle, parfois plus sombre, se déroulant sur un faux rythme, tantôt trépidant, tantôt lent. Il s'agit d'une succession de "sketches" plutôt bancale sur un personnage charismatique, auquel Fraction n'a pas su rendre justice - à moins qu'il eût mieux valu le cantonner à un second rôle intriguant, plus fantasmatique.
Le casting de dessinateurs invités à illustrer ce maxi-chapitre (d'une trentaine de pages) accentue cet effet "sketches", en soulignant à la fois les forces et les faiblesses. Mike Allred et Mitch Breitweiser signent des planches superbes, là où Russ Heath et Lewis LaRosa convainquent moins.
Personnellement, je n'aime pas trop cette méthode consistant à donner à plusieurs le job que devrait faire un seul homme, ou alors il faut que le procédé serve la narration (comme confier des flash-backs à un artiste différent que celui qui produit les scènes au présent) ou encore qu'il y ait une certaine homogénéité esthétique. Ici, séparèment, il y a de bonnes choses, mais ensemble ça ne fonctionne pas.
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Enfin, à la fin du livre, on peut (re)découvrir deux documents : deux épisodes datant des 70's, consacrés aux origines de Danny Rand.
Ce matériel (agrémenté de deux planches écrites par Fraction et dessinées par Kano) est l'oeuvre de scénaristes mythiques (Roy Thomas et Lein Wein) et d'artistes historiques (Gil Kane, Larry Hama, Dick Giordano)... Mais, soyons objectifs, cela a très mal vieilli et on réprime difficilement un sourire moqueur devant ce qu'y est raconté et la mise en images (le pire étant l'encrage de Giordano, très loin du superbe boulot qu'il accomplissait avec George Pérez par exemple).
Ce complèment est totalement dispensable, surtout dans la série qui aura revitalisé Iron Fist : les nostalgiques préféreront relire les chapitres de Chris Claremont et John Byrne (parus dans Titans), qui restent un régal pour les yeux !
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Le bilan n'est donc pas fameux : hormis le final somptueux d'Aja, on peut donc se passer de ce volume - même si cela ne doit pas faire oublier que ce qui a précédé a constitué un des meilleurs relaunchs de ces dernières années.

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