vendredi 15 mai 2009

Critique 46 : JLA CLASSIFIED - NEW MAPS OF HELL, de Warren Ellis et Jackson "Butch" Guice



En 2004, DC Comics inaugura une nouvelle collection intitulée JLA: Classified. Le principe était de produire des récits complets, écrits et dessinés par des équipes créatives différentes à chaque fois, mettant en scène la Justice League of America. Ces histoires s'inscrivaient dans la continuité officielle et dévoilaient des pans du passé du groupe.
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Des profondeurs de l'espace-temps surgit une entité artificielle, "Dieu de la Terreur" auto-baptisé Z, et à l'origine de la décimation du peuple martien - dont le dernier survivant est J'onn J'onnz, le Martian Manhunter de la JLA.
L'un après l'autre, les membres de la formation sont témoins d'incroyables actes de destruction et entreprennent d'en découvrir le responsable. Leurs investigations les conduisent à suspecter la Lexcorp, l'entreprise de Lex Luthor (qui, à l'époque des faits, est le président des Etats-Unis - comme dans JLA : Vice et vertu, de Geoff Johns, David Goyer et Carlos Pacheco).
Leur indice majeur est un ancien manuscrit connu sous le nom du Tharsis qui raconte l'histoire de civilsations "testées" par une puissante force qui a fini par les détruire après les avoir considérées comme trop faibles pour existert. Mais ce texte contient aussi un virus qui, une fois décrypté, possède lui-même le pouvoir de détruire les mondes.
Quand Z s'attaque à la Terre, la JLA est donc mise à son tour à l'épreuve pour déterminer si la planète est digne de survivre...
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L'écriture de Warren Ellis suscite toujours la curiosité lorsqu'elle s'exerce sur les héros les plus icôniques des deux majors companies que sont Marvel et, ici, DC. Je me demandai donc à quel sauce il allait cuisiner la JLA, dont il s'était largement inspiré pour en livrer une version épicée avec The Authority.
On reconnaît rapidement la marque de l'auteur dès l'ouverture de cette histoire et dans son développement : l'intrigue est à la fois sombre et musclée, le ton ironique, le rythme enlevé. Le récit souligne ce que les comics avec une bande de super-justiciers offre de mieux puisqu'on y voit ses membres obligés de se battre en véritable équipe une menace qu'aucun d'eux, seul, ne pourrait vaincre : C'est une donnée toute simple, mais un groupe de super-héros n'est pas qu'une addition de personnages, c'est un ensemble de combattants aux talents complémentaires dont l'union fait la vraie force. Et ça, Ellis l'a bien compris.
Le scénariste n'a pas à forcer son talent pour nous entraîner dans cette aventure : on sent tout de suite qu'il connaît bien son casting, qu'il n'a pas choisi les acteurs au hasard, et il sait leur donner du caractère. Sur ce dernier point, Ellis a l'intelligence de ne pas négliger les seconds rôles : les échanges entre Clark Kent et Loïs Lane sont dignes de ceux d'un couple de "screwball comedy", façon Cary Grant-Irene Dunne, et du coup lorsque Superman part en mission, c'est comme s'il recouvrait sa virilité après avoir été piqué au vif par sa partenaire dans la vie civile.
Batman, lui, est dépeint comme un enquêteur qui va à l'essentiel, au raisonnement aussi affûté et précis que ses actions. Wonder Woman préfére qu'on l'appelle Diana comme si elle voulait marquer sa féminité avant son héroïsme. Flash (version Wally West ici) est un pur feu follet qui devra son salut à sa capacité à réfléchir, donc à se calmer. Green Lantern semble s'amuser de sa puissance et de l'adversité mais on devine ses appréhensions derrière cette attitude. Et enfin J'onn J'onzz fait figure de sage dans cette configuration, le lien entre ses membres.
C'est donc avec un véritable plaisir qu'on est embarqué dans ce grand huit où tout est écrit avec tempérament et originalité, malgré la notoriété des protagonistes.
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Jackson "Butch" Guice livre, quant à lui, de superbes illustrations, à la hauteur des spectaculaires enjeux de l'histoire et de ses héros. Les morceaux de bravoure ne manquent pas pour lui permettre de nous en mettre plein la vue : la scène d'ouverture, l'explosion de Paradise Island, Las Vegas ravagée... C'est tout à fait magistral.
Pour ajouter à ce bonheur visuel, le dessinateur s'encre lui-même et on ne peut que s'en réjouir. Même si le trait nerveux et anguleux évoque Joe Kubert, certaines ambiances rappellent le meilleur de ce que firent ensemble Frank Miller et Klaus Janson dans leurs meilleurs épisodes de Daredevil, mais on pense en vérité surtout à l'immense Neal Adams - comparaison écrasante pour beaucoup d'artistes mais dont Guice se tire admirablement.
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On pourra regretter un dénouement un peu expéditif, sans véritable épilogue, qui envoie à l'ultime page, la bataille à peine achevée, la JLA déjà sur un nouveau front. Cette précipitation souligne trop le fait que ce que nous venons de lire n'est qu'une parenthèse passée dans la carrière du groupe.
Et puis il y a ces affreuses couvertures, reproduites en fin de volume, signées Michael Stribling, exécutées (c'est le cas de le dire...) en couleur directe.
Mais si on passe sur ça, l'ouvrage est tout à fait conseillé. Les connaisseurs d'Ellis y trouveront même des références à ses autres oeuvres (comme Global Frequency, via le rôle qu'il donne à Oracle). Et c'est jubilatoire de lire des répliques, certes attendues mais toujours efficaces comme : "We’re the Justice League. We’ve beaten up real gods and made them cry. You are nothing to us".
Après ça, Warren Ellis peut bien affirmer qu'en vérité il n'adore pas les super-héros, il réussit quand même à leur donner des histoires palpitantes, aussi bien pour le néophyte que pour le fan…

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