lundi 13 avril 2009

Critique 30 : ULTIMATES, de Mark Millar et Bryan Hitch


The Ultimates est une série en deux volumes de 13 épisodes chacun, écrite par Mark Millar et dessinée par Bryan Hitch, et a été lancé en 2002, il s'agit d'une re-création moderne et irrrévérencieuse des Avengers imaginés par Stan Lee et Jack Kirby. Mais aussi un choc scénaristique et graphique qui a contribué à imposer la ligne "Ultimate", au sein de laquelle furent aussi réinventés les Fantastic Four, les X-Men ou Spider-Man.

- La première "saison" des Ultimates compte treize épisodes, divisés en deux actes, et publiés de Mars 2002 à Avril 2004. Bryan Hitch résuma la manière dont lui et Mark Millar abordèrent cette entreprise ambitieuse comme un retour aux fondamentaux pour les personnages et leurs premières grandes aventures tout en les inscrivant dans le présent de façon très réaliste : Captain America (le héros-phare de ce projet) y est traîté comme un super-soldat revenu des morts et complètement déphasé, Thor comme un illuminé ou un messie, Hulk comme une menace incontrôlable, et Nick Fury comme l'archétype du super-espion sans scrupules...

- La seconde "saison", développée elle aussi sur treize épisodes, a été publiée de Décembre 2004 à Mai 2007 - la série connut des retards de plus en plus conséquents à cause de chapitres plus longs, encore plus ambitieux graphiquement. Thématiquement, la titre explore plus profondèment, mais avec toujours autant d'insolence, ce qui se produit lorsqu'une bande de surhommes convertis en commando militaire se lancent dans une guerre contre le terrorisme : c'est une charge sans concessions contre l'administration Bush et sa politique en Irak, après le 11-Septembre 2001.
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- Ultimates, volume 1. Le Général Nick Fury, directeur du SHIELD, est chargé de composer une équipe de méta-humains représentant l'élite de l'armée américaine. Il recrute le légendaire Captain America, premier super-soldat présumé mort durant la Seconde Guerre Mondiale ; le couple de scientifiques formé par Henry et Janet Pym (alias Giant-Man et the Wasp) ; le chercheur Bruce Banner (alias Hulk) et l'aventurier-milliardaire Tony Stark (alias Iron Man).
Ils sont rassemblés dans la base du S.H.I.E.L.D, le Triskelion, lorsque Banner s'administre un sérum censé reproduire les facultés du super-soldat serum mélangé à une solution qui l'avait déjà transformé en monstre surpuissant, Hulk.
Après avoir dévasté Manhattan suite à sa rupture avec Betty Ross (publiciste des Ultimates), Banner/Hulk est finalement neutralisé grâce au concours de Thor, qui prétend être le dieu du tonnerre viking en mission sur Terre pour pacifier les hommes.
Tandis que Pym maltraîte violemment son épouse Janet et prend la fuite, avant d'être retrouvé par Captain America qui le corrige pour cet écart de conduite, l'équipe est renforcée par les deux mutants, Quicksilver et Scarlet Witch, puis les deux agents secrets, Hawkeye et Black Widow. Ensemble, ils vont devoir contrecarrer une invasion extraterrestre menée par les Chitauri, à l'origine de plusieurs abominations historiques (comme l'arrivée au pouvoir des nazis).

- Ultimates, volume 2. Un an après, le peuple conspue ses héros lorsqu'une fuite révèle que Banner est Hulk, responsable du carnage à Manhattan. L'affaire est étouffée mais les Ultimates sont ensuite ébranlés lorsque Thor est accusé d'être en vérité un malade mental.
Un complot ourdi par le frère du prétendu dieu du tonnerre, Loki, va opposer les super-soldats à un groupe rival aussi puissant, financé par plusieurs pays opposés à l'hégémonie américaine, les Liberators. Avec la complicité de Black Widow et d'Henry Pym, les Ultimates sont capturés les uns après les autres. Réussissant à s'évader in extremis, ils affrontent leurs adversaires dans un combat à mort.
Thor invoque les guerriers d'Asgard et terrasse le félon Loki, prouvant du même coup sa condition divine mais aussi son rôle d'émissaire d'Odin et de protecteur de Midgard (la Terre). Black Widow est exécutée par Hawkeye, dont elle a provoqué la mort de sa famille, et Pym, bien qu'il prétend avoir infiltré les Liberators pour mieux les torpiller, finit dans la prison du Triskelion.
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Ultimates prouvent que l'exigence artistique et la liberté de ton de Hitch et Millar ont su captiver les lecteurs tout en convaincant les critiques (dans leur ensemble...). Le cynisme du scénariste et le brio esthétique du dessinateur ont décapé la légende en en proposant une lecture revigorante. La volonté de produire un comic-book en cinémascope est parfaitement accomplie : on en sort repu, ébloui, renversé. C'est un classique instantané qui s'impose naturellement.
Si, au départ, Millar se "contente" de réécrire les origines de l'équipe des Vengeurs, avec le combat contre Hulk puis l'invasion Chitauri ; ensuite, une fois ces éléments établis (composition du groupe, caractérisation des personnages, contextualisation de l'histoire...), il nous embarque littéralement dans une épopée lors du second volume. Le récit se situe clairement au niveau du temps (sous l'administration Bush) et dans l'espace (les Etats-Unis contre une alliance de pays opposés à leu politique). De fait, on a peu vu de comics de super-héros être aussi nettement ancrés dans une réalité précise et Ultimates peut déjà se lire comme une sorte de document sur une époque et l'action d'une nation sur le reste du monde : c'est audacieux et puissamment porté.
L'autre point à apporter au crédit du scénariste est qu'il n'a cessé de s'améliorer tout au long de ce run conséquent. Au départ, Millar donne le sentiment de remplir un carnet de commandes, avec son lot de passages obligés pour poser cet univers. Il s'en sort remarquablement dans la partie Ultimates vs Hulk, avec un sens de l'humour mordant et du spectaculaire consommé. C'est moins concluant avec la partie consacrée à l'invasion Chitauri, censée se dérouler mondialement et dont la conclusion se cantonne à une bataille, certes épique, dans une base militaire : pour le coup, on a l'impression que le trublion écossais a eu les yeux plus gros que le ventre...
En revanche, dans le volume 2, toute l'intrigue est développée d'un trait, 13 épisodes riches en rebondissements vraiment surprenants, avec des séquences inoubliables (la capture de Thor au terme d'un affrontement que le lecteur espère voir remporter par le dieu du tonnerre, l'attaque dévastatrice et éclair des Liberators, l'identification des traîtres dans l'équipe...). L'intensité ne faiblit jamais et Millar est déchaîné. On est soufflé par la manière dont il anime cette suite, s'offrant même un épisode apparemment anecdotique avec des Ultimate Defenders de pacotille, mais qui révèle la déchéance de Pym. C'est brillant, insolent, bluffant.
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Graphiquement, Ultimates a couronné Bryan Hitch comme un des artistes les plus phénoménaux de sa génération. Révèlé par Authority, de Warren Ellis, son style alors très influencé par Alan Davis a mûri et trouvé sa vraie identité en collaborant avec Millar. Très impliqué dans la création de la ligne Ultimate, pour laquelle il a designé nombre de costumes et de décors, l'anglais a complètement réinventé le look des Vengeurs pour en en produire une version la plus réaliste possible. Rien que pour cela, sa contribution restera mémorable.
Mais Hitch s'est surtout affranchi visuellement pour réaliser des planches parmi les plus décapantes qu'on puisse lire. Son trait s'est affirmé pour s'orienter vers un réalisme là aussi de plus en plus poussé, n'hésitant pas, suivant les désirs de son scénariste, à s'inspirer d'acteurs pour camper ses personnages (Nick Fury ressemble ainsi à Samuel L. Jackson, Hawkeye à Kevin Bacon...). L'effet est aussi saisissant que troublant, sans gêner la lecture. On se trouve dans une BD très cinématographique presque prête à être filmée (et d'ailleurs, il ne serait guère étonnant que les premiers épisodes de la série serve de matrice pour un long métrage déjà programmé avec les Vengeurs).
Riche en "splash" et doubles-pages, la saga des Ultimates illustrée par Hitch procure un plaisir esthétique difficilement comparable avec la production des comics habituels. Dès le premier chapitre, en pleine Seconde Guerre Mondiale, où Captain America attaque une base nazie jusqu'à l'assaut final des asgardiens à Washington, les moments forts ne manquent pas et élèvent la série à un niveau bien supérieur aux standards. La somme de travail abattu par Hitch est époustouflante... Mais elle a eu un prix élevé : Marvel a consenti à sortir les derniers numéros avec des retards énormes (plus de six mois de retards pour l'ultime exemplaire !) et, sachant qu'un dessinateur est payé à la page aux Etats-Unis, l'artiste a failli être ruiné !
Encré au début par Andrew Currie puis ensuite par Paul Neary (longtemps partenaire d'Alan Davis), Hitch a eu droit à la crème des collaborateurs et il serait injuste de ne pas les citer car leur contribution est admirable.
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Un classique moderne !

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