(Ci-dessus : le projet d'affiche, non retenu, réalisé par Alex Ross.)
Hier (mercredi 25 mars), j'ai donc été voir la "bête" - un peu à reculons, je l'avoue, car je tiens les Watchmen comme la BD la plus impressionnante que j'ai lue, ce genre de bouquin où plus rien n'est comme avant.
*
Il n'y a pas si longtemps, on parlait de tendance "bling-bling". On peut aussi affirrmer que Zack Snyder aime ce qui brille et surtout on devine qu'il veut briller lui-même : quoi de mieux alors que de s'attaquer à l'everest de la bd moderne pour se faire remarquer ? Même s'il échouait, au moins resterait-il comme celui qui avait osé... Défi impossible?
Dans ce film de 2h40, les moyens sont là, et l’esprit comme la structure du livre sont conservés. Mais il y a quand même un petit quelque chose qui cloche.
Soyons justes : Alan Moore, le scénariste de la BD originale, n’a jamais été si bien adapté. En effet, la transposition à l’écran de son œuvre a subi des sorts divers, pour ne pas dire des outrages successifs. Si le subversif V pour Vendetta, chapeauté par les frères Wachowski, ne s’en sortait pas si mal - malgré des tics pénibles à la Matrix -, le puissant From Hell (immense roman graphique autour de l’enquête sur les crimes de Jack l’éventreur) a subi une diluation redoutable. Et que dire de La Ligue des gentlemen extraordinaires, indigne de porter le même nom qu’une des créations les plus délirantes d’Alan Moore…
Pour les Watchmen, Zack Snyder reprend la structure narrative globale du volumineux ouvrage , avec son enquête, ses flash-backs et son compte à rebours. On découvre ainsi les différents personnages à tour de rôle, avec grosso modo les mêmes séquences-clés que dans la BD, souvent retranscrites au dialogue près. A côté de ça, des coupes franches et des compressions ont été effectuées pour ne pas aboutir à un film trop long. Ce mélange de respect et de remontage est déstabilisant et ôte une bonne partie de la richesse au propos, sacrifiant ici pour se complaire ailleurs...
Le changement de nature de la catastrophe finale est assez ingénieux et même cohérent. Les décors sont également respectueux.
Mais pourtant ça grince un petit peu, voire beaucoup.
Le film séduira-t-il ceux qui n'ont pas lu la bd, et les comics en général? Ce problème se pose davantage que pour les Spider-Man ou les X-Men, transpositions inégalement efficaces mais plutôt divertissantes. Mais le récent succès de The Dark Knight, qui projetait Batman dans un environnement réaliste et sombre, a changé la donne et veut que le grand public soit désormais capable d'accepter des adaptations plus "adultes". Watchmen, avec son final ambigü, propose une vision similaire, donc désenchantée eet brutale sur les justiciers costumés et leur utilité dans la société.
Mais le vrai reproche qu'on peut adresser à Zack Snyder concerne sa mise en scène clinquante qui accumule toutes les éxagérations d'un certain cinéma moderne hollywoodien, qui tiennent plus du "tape-à-l'oeil", du "m'as-tu-vu" que de la réelle virtuosité : ralentis, mouvements de caméra, effets bullet-time... Bref, la panoplie complète de ce que j'ai nommé "bling-bling". Pourquoi les personnages se battent-ils comme dans un film de kung-fu de bas étage? Pourquoi se sentir obligé de faire traîner en longueur LA scène d’amour de l’histoire pour la transformer en séquence kitschissime (si ce n’est pour faire profiter les spectateurs mâles de la plastique avenante de Malin Akerman)? Pourquoi se complaire dans des effets gore qui n'ajoutent rien à l'intensité dramatique des scènes concernées ?
Un autre point qui m'a déplu (et qui me déplaît à chaque adaptation de comics sur grand écran) : l'irrespect du design des costumes.
Sans doute qu'à Hollywood, on considère que des mecs masqués et portant des capes ont l'air ridicules, mais c'est pourtant une caractéristique de ce genre de littérature. Un des éléments qui la distingue des autres et qui séduit ses lecteurs, même si ça peut sembler pathétique. Du coup, tout le monde est sapé en latex ou en cuir, porte des armures (souvent moches et encombrées de détails aussi superflus que peu visibles au final) : l'identité esthétique est sacrifiée sans raison valable... Ou bizarrement respectée, sans plus d'explication (sinon celle, vague, de l'aspect "iconique" de certains accoutrements comme ceux de Spider-man ou Superman).
Ici, Rorschach ou le Dr Manhattan ressemblent parfaitement à leurs modèles dans la bd, mais Ozymandias ou le Hibou (sans parler de Laurie...) sont (hideusement) relookés ! Comprenne qui pourra...
Un autre point qui m'a déplu (et qui me déplaît à chaque adaptation de comics sur grand écran) : l'irrespect du design des costumes.
Sans doute qu'à Hollywood, on considère que des mecs masqués et portant des capes ont l'air ridicules, mais c'est pourtant une caractéristique de ce genre de littérature. Un des éléments qui la distingue des autres et qui séduit ses lecteurs, même si ça peut sembler pathétique. Du coup, tout le monde est sapé en latex ou en cuir, porte des armures (souvent moches et encombrées de détails aussi superflus que peu visibles au final) : l'identité esthétique est sacrifiée sans raison valable... Ou bizarrement respectée, sans plus d'explication (sinon celle, vague, de l'aspect "iconique" de certains accoutrements comme ceux de Spider-man ou Superman).
Ici, Rorschach ou le Dr Manhattan ressemblent parfaitement à leurs modèles dans la bd, mais Ozymandias ou le Hibou (sans parler de Laurie...) sont (hideusement) relookés ! Comprenne qui pourra...
Le choix des acteurs est également sujet à débat. Si Patrick Wilson (Le Hibou), Billy Crudup - peu gâté par des effets spéciaux assez laids - (Dr Manhattan), ou Jackie Earle Haley (Rorschach) s'avèrent d'excellents choix, Malin Ackerman (Le Spectre Soyeux) est assez fade, Jeffrey Dean Morgan (Le Comédien) n'a que sa ressemblance physique avec le personnage à offrir, et Matthew Goode (Ozymandias) manque singulièrement du charisme trouble que nécessitait son rôle. Ce casting d'nterprétes peu connus était en soi une bonne idée, mais encore eût-il fallu qu'ils soient tous très bons et ce n'est pas le cas.
En définitive, être trop élogieux ou trop sévère avec ce film ne sert à rien. Dans le premier cas, il s'agirait d'une surestimation probable. Dans le second, ce ne serait que la confirmation de la thèse selon laquelle Watchmen était effectivement inadaptable - parce que, comme ça a été le cas pour moi, ce livre a bouleversé trop de monde pour être transposé de manière à satisfaire les fans purs et durs ET les autres.
*
Bref, à bien des égards, Watchmen - le film est paradoxal : je ne m'y suis pas ennuyé, globalement c'est même plutôt émérite, mais finalement des détails énervants gâchent un peu la fête. Je pressentai qu'il ne s'agirait pas d'un long métrage à la hauteur du monument de la bd dont il est tiré et on peut toujours délirer sur qui aurait été le réalisateur idéal (moi, j'aurai rêvé de Kubrick, tout simplement parce que c'était sans doute le seul capable de saisir toute la force du propos de Moore). Mais en même temps je ne peux pas non plus crier au scandale car Snyder livre un produit efficace, à défaut d'être personnel ou inspiré.En définitive, être trop élogieux ou trop sévère avec ce film ne sert à rien. Dans le premier cas, il s'agirait d'une surestimation probable. Dans le second, ce ne serait que la confirmation de la thèse selon laquelle Watchmen était effectivement inadaptable - parce que, comme ça a été le cas pour moi, ce livre a bouleversé trop de monde pour être transposé de manière à satisfaire les fans purs et durs ET les autres.